Vaincre ses peurs : les reconnaître
Le grand fleuve de nos peurs est alimenté
par deux sources : le souvenir de situations
difficiles déjà rencontrées et l’apprentissage
transmis par nos parents ou d’autres personnes
impliquées dans notre éducation. Une des
toutes premières peurs, «la peur de l’étranger»,
apparaît vers huit mois. Bébé devient capable
de différencier visage connu ou inconnu et il
se met à pleurer lorsqu’une personne étrangère
s’approche de lui. Plus tard, cette peur
de l’inconnu sera renforcée par les mises en
garde de ses parents : ils lui diront qu’il ne
doit pas suivre les personnes qu’il ne connaît
pas, ni accepter de bonbons de leur part, car
elles pourraient avoir de mauvaises intentions.
Devenu adulte, l’être humain continue à redouter
la nouveauté. C’est une réaction normale,
presque animale : tout territoire inconnu peut
receler des dangers que nous sommes évidemment
incapables d’anticiper et que nous
ne pouvons pas être certains de maîtriser. De
même, il est banal qu’un musicien ou un comédien
soit en proie au trac avant d’entrer sur
scène, qu’un candidat à un emploi appréhende
quelque peu un entretien d’embauche, ou que
l’on redoute de devoir s’expliquer avec une
personne dont nous craignons les réactions.
Surtout si cette personne est importante pour
nous, car plus l’enjeu est élevé, plus nous
redoutons, légitimement, de ne pas «assurer»
aussi bien que nous le souhaiterions. Toute
personne sensée craint de sortir seule la nuit
dans un quartier peu sûr : cette émotion primaire
nous signale que nous devons être sur
nos gardes lorsque nous risquons de nous
retrouver menacés ou démunis.
La peur sournoise
Mais, au lieu de nous aider à mieux gérer
certaines situations, la peur peut aussi devenir
encombrante, voire handicapante, lorsqu’elle
surgit hors de propos ou de manière répétitive,
jusqu’à devenir obsédante parfois. Même
légère, elle nous empêche alors de nous sentir
bien et devient un frein à nos activités. Il s’agit
dans ce cas d’une réaction disproportionnée
qui indique qu’un problème personnel est touché.
Nous avons peur, avant tout, de revivre
une ancienne blessure qui nous a fait souffrir.
Ce réflexe de protection a tendance à encourager
des réactions défensives : évitement, fuite,
agressivité, repli sur soi, tristesse, découragement,
et même comportements de compensation
(manger, boire, fumer…). Nos peurs ne se
manifestent pas toujours par un coeur qui bat
trop vite ou des jambes qui flageolent, c’est en
se demandant pourquoi nous avons adopté un
tel comportement que nous pourrons parfois
mettre le doigt sur une crainte inconsciente
sous-jacente. Reste à identifier sa nature.
Les peurs qui nous guettent
La peur de ne plus être aimé (ou d’être
abandonné) peut être très gênante dans
une relation de couple, mais aussi d’amitié ou
simplement de travail. Elle risque d’induire une
dépendance, des réactions de jalousie ou une
attitude d’effacement, voire de soumission.
La peur d’échouer nous incite à reculer par
crainte de montrer nos faiblesses ou de ne pas
être à la hauteur. Un peu d’appréhension est
légitime lorsqu’on s’aventure sur un terrain où
l’on manque d’expérience. Mais trop d’adultes
n’assument pas leurs responsabilités parce
qu’ils manquent de confiance en eux : parents
qui ne mettent plus de limites aux enfants,
professionnels qui ne prennent pas de décision
sans «ouvrir le parapluie». Une méfiance
excessive à l’égard de toute nouveauté s’explique
aussi par la peur de ne pas s’adapter, de
perdre du pouvoir, etc. Considérer tout changement
comme une menace potentielle est un
frein énorme à toute évolution.
La peur de décevoir ou de faire de la peine
est également très fréquente. Elle entraîne une
difficulté à dire non et une tendance à fuir les
conflits, qui risquent de réveiller un vieux sentiment
de culpabilité.
La peur du jugement et du regard des
autres enfin handicape toute action et toute
relation. Elle est en lien avec une mauvaise
image de soi et concerne aussi bien les complexes
physiques que la crainte d’être jugé nul,
critiqué et rejeté.
Toutes ces peurs sont plus ou moins tapies au
fond de nous, à un moment ou à un autre. Les
identifier est la première étape indispensable
pour se libérer de leurs entraves.
Thomas Wallenhorst,
psychiatre, formateur
01/09/2009