Le Blog du Coach

Le thérapeute et son patient dans le cadre de l'hypnose

François Roustang explore le caractère intégratif de l'hypnose

D'une certaine manière, François Roustang parle de la psychothérapie intégrative, sans jamais employer ce terme. Après avoir refusé les limites dans lesquelles la psychanalyse s'est enfermée dans sa prétention à être une science (il en fait une critique pertinente dans le petit livre «Le thérapeute et son patient »), François Roustang s'aventure dans l'hypnose - l'hypnose éricksonienne - pour en montrer le caractère intégratif. Pour cela, il forge un nouveau mot : la "perceptude".

« Je pense qu'un des points fondamentaux est que Freud a voulu faire une science, et une science sur le psychisme. Cela était bel et bien son idée. Pour en faire un objet de science, il a donc isolé le psychisme du reste du corps et de la vie. A mon sens, c'est à ce moment-là que tout a basculé. Les textes que Freud a écrits lorsqu'il pratiquait l'hypnose sont, du point de vue thérapeutique, d'une richesse tout à fait extraordinaire. On se rend compte qu'il aurait été tout à fait capable de développer cette richesse thérapeutique, mais avec pour conséquence de ne plus pouvoir faire une science, car il aurait été justement amené à tenir compte de chaque cas, et à entrer dans la complexité infinie des relations humaines. En faisant une science et une science du psychisme, il a eu la possibilité de créer quelque chose qui soit à part mais, à mon avis, avec des appauvrissements considérables ».

François Roustang « Le thérapeute et son patient » entretiens avec Pierre Babin Editions de l'aube

Perception et perceptude
La perceptude est le mode de perception intégrative propre à l'hypnose. Elle permet l'expérience du Tout, par opposition à la perception ordinaire qui sépare, divise, objectifie et fige la vie. La perceptude fait penser à la pleine conscience.

« Atmosphère, ambiance, climat, milieu, ces mots disent ou tentent de dire quelque chose qui influe sur notre existence toute entière. Alors que le premier mode de perception se traduit par la discontinuité et la partialité, ce second mode de perception, que l'on peut nommer perceptude, est marqué par la continuité et la prise en compte de tous nos liens avec le monde. La perceptude ne peut être circonscrite et mise à distance. Elle est l'aire où nous ne sommes plus des observateurs fixes faisant face à des objets ; elle est le territoire dont nous participons pour en devenir une part insécable.
Ce second mode de perception auquel le plus souvent nous ne prêtons pas attention est en fait premier. C'est sur la plage de la perceptude, à la fois finie et sans limites, que va se découper la perception discontinue et partielle. Nous considérons la perception comme évidente et première alors qu'elle est toujours une élaboration seconde(...)
Il est caractéristique de la perceptude que le percevant ne choisit pas, qu'il ne privilégie pas tel ou tel élément, qu'il ne met pas à part tel ou tel trait ; il est contraint de tout prendre, de tout recevoir, de tenir compte à la fois de tout ce qui lui arrive et de trouver peu à peu dans cet ensemble son rôle et sa fonction. Les différenciations ne seront établies que plus tard ».

La perceptude est un mode de perception premier que l'hypnose met en lumière.

« L'état d'hypnose tel que je le comprends, ne serait rien d'autre que la perceptude. Elle est à la fois ce qui est toujours présent à nos vies et toujours supposé pour que nous puissions appréhender quelque chose du monde environnant. C'est ce que disent à leur manière les praticiens de l'hypnose : il existe une hypnose quotidienne qu'il n'est nul besoin de nommer hypnose, car le moindre geste, celui de la marche, de la lecture ou de l'écriture, pour être accompli avec aisance, suppose l'absorption et l'oubli. Et d'autre part tout humain est hypnotisable, c'est à dire qu'il peut avoir accès au fondement, il peut se rendre d'où il vient. La perceptude est là en effet sous-jacente à toute perception, mais par ailleurs les hypnotiseurs prétendent la faire passer au premier plan et en proposent l'expérience. Donc la mettre à la lumière du jour, alors qu 'elle agit dans la lumière de la nuit. En d'autres termes, l'état hypnotique est partout et il s'agirait de le faire apparaître quelque part. Etrange procédure parce qu'elle aboutirait alors à l'apparition d'un fond sans la figure ou d'un contexte qui aurait pardu son texte".

François Roustang « Il suffit d'un geste » Editions Odile Jacob poches



09/01/2012