Voici un article du Monde daté 4 Aout 2012 .
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"C'est une plage avec du sable fin, tu le fais glisser entre tes doigts, on entend des vagues." Maïmouna, allongée sur un lit, hoche doucement la tête. Anne-Françoise Thiollier, infirmière, parle calmement à la fillette. La petite vient une fois par mois à l'hôpital Robert-Debré, à Paris, pour au moins deux piqûres. "Il y a des fleurs, on pourrait faire un bouquet pour ta maman. Sens cette fleur, sens-la fort."
L'hypnose clinique est un outil destiné à apaiser la douleur. Si la technique est ancienne, ce n'est qu'en 1992 que le professeur Marie-Elisabeth Faymonville, spécialiste de la douleur, chef de service au CHU de Liège, en Belgique, y a eu recours pour la première fois pour une anesthésie générale. Cet hôpital a depuis réalisé plus de 7 000 interventions sous hypnose. Très employée en Suisse, cette pratique connaît un fort développement en France.
Surtout utilisées dans le traitement de la douleur, qu'elle soit liée aux soins, aiguë ou chronique (migraines, lombalgies, douleurs cancéreuses), ses applications sont multiples : arrêt du tabac, troubles du comportement alimentaire, dépressions, phobies, stress, troubles sexuels, etc.
MOTIVATION, COLLABORATION ET CONFIANCE
L'hypnose est un état naturel, un état de conscience modifié. Comme lorsque l'on se plonge dans un livre en se coupant du bruit environnant. Selon le docteur Bruno Suarez, l'hypnose est un état d'hypercontrôle permettant à une personne d'avoir des capacités supplémentaires par rapport à l'éveil simple. Contrairement à ce que l'étymologie du mot pourrait suggérer, l'hypnose n'est en rien comparable au sommeil. Pourtant, cette pratique fait parfois peur, et évoque même pour certains l'envoûtement. On est pourtant très loin du phénomène de foire.
Pour que cela fonctionne, trois conditions doivent être remplies. Le patient doit être motivé, collaborer et avoir confiance dans le soignant. Au cours du premier entretien, le thérapeute demande que le patient lui parle de souvenirs agréables, d'endroits, d'odeurs qu'il apprécie.
L'hypnose a montré son efficacité dans le traitement contre la douleur, notamment chez l'enfant, souvent plus réceptif à cette pratique du fait de sa faculté à s'évader dans son imaginaire plus facilement qu'un adulte. Dès l'âge de 4 à 5 ans, on peut apprendre à un enfant à endormir une zone douloureuse. "J'utilise le gant magique, un gant imaginaire qui diminue les sensations de la main. L'enfant apprend à l'enfiler, et cette main endormie peut être posée sur la tête qui a mal, l'endroit de la ponction lombaire ou la zone de la prise de sang", explique le docteur Chantal Wood.
Le doudou et les peluches sont de précieux alliés. On propose à l'enfant de faire une promenade magique, sans lui dire "ça va faire mal", une injonction paradoxale. Il faut ajuster le ton de la voix, être convaincant, dans la métaphore ou l'histoire racontée à l'enfant.
Douleur postopératoire atténuée, meilleure convalescence, fatigue amoindrie : les effets sont très positifs, à tout âge. "Cela peut aussi rendre l'effet des médicaments plus efficace", ajoute le docteur Faymonville.
"C'EST UN OUTIL SUPPLÉMENTAIRE"
Le regain d'intérêt de cette pratique ancienne s'explique par le développement de l'imagerie cérébrale. "Une fois qu'on a glissé vers le processus hypnotique, on a accès à un fonctionnement différent du cerveau. L'imagerie médicale [IRM fonctionnelle] montre même que, en état d'hypnose, la connectivité du cerveau est modifiée. Le but est donc de tirer parti de cet état modifié pour se protéger de certains épisodes douloureux", décrit-elle.
"C'est un outil supplémentaire, un plus", considère le docteur Imelda Schwartz-Haennel, médecin anesthésiste, chef de service du pôle mère-enfant en gynécologie obstétrique et pédiatrie de l'hôpital public de Colmar (Haut-Rhin), qui dirige la Confédération francophone de l'hypnose et des thérapies brèves (CFHTB), réunissant environ 3 000 professionnels.
Dans l'équipe du docteur Schwartz-Haennel, cinq médecins sur sept et dix infirmières sur quatorze sont formés à cette pratique. Un outil d'autant plus utile que les médecins ont parfois un sentiment d'impuissance face à la souffrance. Un diplôme universitaire hypnose médicale a été créé en 2001 à la Pitié-Salpêtrière à la faculté de médecine de Paris-VI.
"Il ne s'agit pas de faire miroiter une guérison miraculeuse mais de réduire l'inconfort et les doses de médicaments avalées par les patients", ajoute le professeur Faymonville.
"Plus personne aujourd'hui parmi les médecins n'ose dire que c'est n'importe quoi. C'est une vraie médecine", affirme le docteur Jean-Marc Benhaiem, médecin hypnothérapeute. Cela peut être aussi un outil pour apaiser les névroses post-traumatiques ou les souffrances des victimes d'attentats. Antoine Bioy, psychologue, y a aussi recours pour soigner l'anxiété.
Les effets de l'hypnose sont également efficaces pour les soins dentaires. Karine Antonik-Barmas, assistante dentaire depuis trente ans, la propose aux personnes qui ont de l'appréhension, accompagnée d'un anesthésiant ou pas. "Dans tous les cas, la personne aura moins mal", explique-t-elle. Pour des thérapies brèves ou pour mieux gérer la douleur chronique à domicile, des séances de formation à l'auto-hypnose peuvent être proposées.
L'adhésion de l'ensemble des soignants est importante. "Cela demande un investissement des équipes, une présence assidue et beaucoup de moyens", explique le professeur Francis Bonnet, chef du service d'anesthésie de l'hôpital Tenon à Paris. Mais attention, l'hypnose doit se manier avec précaution. Elle doit être pratiquée par des soignants formés à cette technique.