Le Blog du Coach

Obama : tentative de décyptage d'un coach


Nous vous proposons un article du" Temps"

Décryptage de spécialiste
Stéphane Bonvin

Le Temps: Vous êtes coach en
image, vous avez l’habitude de
travailler avec les apparences.
Est-ce que  même vous, qui avez
l’oeil aiguisé, vous trouvez
qu’Obama est exceptionnellement
beau?

Aude Roy: Ce qui me frappe, c’est
sa présence, son élégance naturelle.
Mais aussi la douceur de sa
gestuelle, la délicatesse de son
port de tête. Son charisme.

– Justement, le charisme, qu’est-ce
que c’est?

– Le charisme, c’est quelque chose
que l’on porte en soi, c’est la foi
que l’on a en quelque chose.Mais
pour que cette foi passe la rampe,
il faut absolument que la personne
ne triche pas, qu’elle n’essaie
pas d’être quelqu’un d’autre.
Prenez toutes ces actrices dont le
visage est figé par le botox. Il y a
un décalage entre leurs sentiments,
leurs idées et leur expression
paralysée. Cela tue tout
charisme. Le contraire de Barack
Obama. Sa voix, son apparence et
ses idées sont congruentes.

– Plus concrètement?

– Barack, c’est le contraire de ce
que l’on appelle une «pokerface»,
le contraire d’un visage imperméable
aux émotions. Lui, il laisse
passer ses émotions.Mieux: il les
surjoue légèrement. Assez pour
qu’elles soient lisibles,mais sans
jamais tomber dans le jeu d’acteur
qui serait perçu comme un
mensonge. La seule chose que
doive faire un conseiller en
image, avec une personnalité
pareille, c’est de valoriser son
naturel.

– Obama a-t-il eu de bons conseillers
en image?

– Vous savez, aujourd’hui, la
plupart des grands politiciens
sont «trop» conseillés etmal, ils
ont appris des gestes ou des
manières de se vêtir, ils ont trop
travaillé avec la vidéo sans que
leursmimiques s’ancrent dans
leur corps ou leur discours. Le
public flaire la contrefaçon.

– Obama serait, lui, 100%naturel?

– Bien sûr,Obama s’est perfectionné.
On dit qu’il a appris à
rythmer ses phrases, àmoduler
son débit.Mais il a surtout conservé
une sorte de virginité qui a
tout de suite ébloui le public,
parce qu’elle contraste dans un
environnement où les politiciens
ont perdu leur naturel. Comparez-
le avecMcCain qui avait l’air
déguisé dans son costume trop
grand et qui donnait l’impression
de réciter. Il faut dire aussi que le
candidat républicain avaitmoins
de chance. Lamaladie a déformé
son visage. Elle amangé ses expressions.
Et sa gestuelle est
limitée par ses blessures, il ne
peut plus lever les bras au-dessus
des épaules, etc.

– Et la gestuelle de l’élu?

– Elle est douce.Mais ferme. Et
très symétrique. Il y a peu de
photos sur lesquelles le corps du
démocrate soit pris en défaut de
symétrie.Or, selon les canons
culturels occidentaux, la symétrie
est synonyme de beauté. Sinon,
est-ce que vous avez remarqué
qu’Obama penche souvent la tête
à gauche, qu’il utilise beaucoup
sonoeil gauche? Gauche, c’est le
côté perçu comme celui des
émotions, de la communication.
A l’inverse, et pour donner un
exemple un peu caricatural, le
langage corporel d’unHitler,
était, lui, complètement situé à
droite, le côté du pouvoir.

– Côté garde-robe?

–Obama est toujours apparu en
sombre. Lui, qui était au début
une sorte demarginal, s’est toujoursmis,
vestimentairement, du
côté de l’autorité. Lui dont la
gestuelle est émotionnelle, porte
des habits relevant du formalisme…
Contrairement aux costumes
de son rival, les siens sont
très bien coupés, ils épousent son
corps, avec unminimumde plis
ou de paquets de tissus. Ils sont
juste ce qu’il faut à lamode.
Obama habite ses vêtements, ce
qui est plus facile pour un ancien
sportif. L’habileté, c’est qu’avec ses
costumes sombres, il porte presque
toujours des chemises blanches:
le blanc éclaire sa peau
foncée, lamet en lumière. Sans
compter que le col blanc, c’est
formel. Et ça renvoie au pasteur, à
l’homme de convictions. Bref,
Obama a adopté les codes des
dirigeants légitimes tout en
mariant cette posture d’autorité à
la douceur de ses gestes, aux
émotions de son visage.

– Et vous aimez ses cravates?

–Oui, parce qu’elles sont discrètes.
Là encore, on dirait qu’il fait naturellement
tout juste: Rien, dans ses
cravates, qui n’accapare l’attention.
On voit la personne d’Obama,
cohérente sur le fond et la forme.
Pas son costume, sa cravate, etc.
– Les journaux ont écrit qu’Obama
était trop beau pour gagner, que
ses photos enmaillot de bain
étaient humiliantes pour des
Américains en surpoids…

– C’était au début. Assez vite, il a
verrouillé son intimité. Je vais
vous donner une règle absolue:
un leader qui dévoile son intimité
perd toujours un peu de son pouvoir.
Obama n’a jamais joué ce
jeu.Donc il a gardé son autorité.
Par contre, ce qui était frappant,
c’était les gestes qu’il avait en
public avec sa femme et ses filles.
Une façon de les toucher, pudiquemais
tendre. Je pense que
cette manière d’être un père a
énormément séduit l’Amérique
en ces temps ballottés.Mais ses
gestes paternels,Obama les a
prodigués en public, sans se
départir de son rôle de politicien.

– Donc, Obama accrédite tous les
clichés sur la beauté intérieure qui
se voit à l’extérieur?
– Il incarne l’idée que ce sont les
convictions et la foi qui sont
perçues comme belles quand
elles sontmontrées naturellement.
Un don et un travail.
– Qui est plus beau que lui?
–Hmm. Sur la scène politique, je
n’en vois qu’un,NelsonMandela.
Mais lui, il est passé par la douleur
corporelle, et cette résilience
lui donne une aura physique
qu’Obama ne peut pas avoir.
– Si Obama déçoit, est-ce qu’on va
lui en vouloir d’autant plus qu’on
l’aura trouvé si beau?
– Il s’est affirmé comme un leader
avant tout.On lui en voudra donc
comme à un leader qui a toujours
dit qu’il ne ferait pas demiracles
du jour au lendemain.

Fin de l'article


20/07/2009